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Face Nord des Drus, Voie Tchèque 1979. 1ère répétition, 1ère hivernale?



Récemment, j'ai reçu un e-mail provenant d'un grimpeur de république Tchèque Pavel '"Baca" VRTIK. Son message m'a mis sur le cul. Le rapport avec les Frères LESUEUR est frappant. 2 grandes voies dans 2 grandes faces. Non, l'alpinisme ne s'est pas arrêté après les 3 faces Nord de Profit. Il s'est arrêté en 1980. Depuis, on est tous retombé dans le bac à sable


"Jiří Slavík and Jan Šimon were in age about 20 and they had no experience in big mountains. They just climbed on Czech sandstone crags and dreamed about a day to get out to the mountains. You can imagine their equipment - certainly no cams ! Regarding the grade 5+/A1. It should be noted the climbing classification system in Alps became open in 1977 (Pumprisse at Fleichsbank). Until that time the hardest routes were of grade 6 and the top climbers of that time hesitated to use this garde in order not to be considered "big-mouthed". Therefore the grade 5+.
What is also amazing they made this first ascent on 28.-30.7. 1979, just a few days after they first ascent on Les Droites (24.-25.7.1979), where they made route "Czech variant of the Couzy Spur, 5c, A2" (see route 254 in Damilano's guide book) !! "


Jan décèdera le 23 Octobre 1984 à la descente du Dhaulagiri. Il venait d'ouvrir avec Karel JAKES et Jaromir STEJSKAL la 1ère ascension de la face Ouest.


JIRI a 55 ans et grimpe...dans le 8a.


Du coup, mon texte me parait complètement décalé...
Certaines fois, c'est la voie qui obsède : réputation de la face, nom des ouvreurs, avis des répétiteurs, challenge de la première (répétition, hivernale, en clean, en short, sans piton...la pire étant sans réseau 3G pour l'i-phone). Ce coup-ci, le motif est plus intérieur, cette ligne nous attire à chaque fois que l'on traine dans le secteur. Ça fait quelques années, que chaque passage à proximité est l'opportunité supplémentaire de "construire" l'itinéraire. Reste les conditions requises : sec mais pas trop, température clémente mais pas trop et évidemment un créneau de beau de 4/5 jours (en bon père de famille, j'aime à me ménager une marge de sécurité d'1 jour ou 2). Quelques recherches à l'OHM indiquent la présence de voies Tchèque, Polonaise et Russe dans le secteur. Qu'importe, il  y a bien longtemps que je ne crois plus en la possibilité d'ouverture réelle dans le massif du Mont-Blanc. Avec ces 3 vagues tracés en tête, on lance l'assaut. De toute façon, on passera au mieux de "notre" itinéraire.
P'tit coup de repérage le lundi. Pas de problème de rimaye,on pourra attaquer où bon nous semble. 3 dièdres semblent envisageables. Par élimination, on prendra celui du centre : le gauche est trop...à gauche et celui de droite...trop à droite. Sûr qu'on est une paire de fin stratège, heureusement qu'on est pas blond!

20 mètres faciles et nous voilà dans le vif du sujet. Une fine fissure suivi d'un laminoir arrondissent déjà fortement mes pointes avants.



 La suite est une fissure à poing pas très raide, mais après quelques zips, j'ai comme un doute...Qu'est-ce qu'on fout là ? Cette voie, entre nous, on l'a baptisé "DTS" sous entendu que ça devait être un "Test piece" en matière de Dry Tooling et on se retrouve à faire du libre...merde, je ne m'étais pas préparé à ça. On rappel dans la voie, un jour de breack me fera du bien pour envisager la chose.  Mardi, faisage de sac, les traditionnelles questions toujours et encore. Quels fringues? Attention de ne pas en retirer trop, dans un appartement surchauffé on se laisserait aller facilement au minimum. Quel bouffe ? Là, c'est plus simple au vu du pitoyable rayon en la matière chez Snell, il faudra faire à l'économie. Combien de pitons?  en cas de but, comment s'assurer une réchappe. Corde de hissage ? = 60 m supplémentaire = du poids = on prend un vrai rappel pas du jumellé, un brin du rappel tirera le pig. Z-lite ou gonflable ? Le gonflable glisse sur la neige mais la face à l'air sèche...2 paires de crampons ? 4 piolets ? 2 paires de chaussons ? 20 coups de fils plus tard, les problèmes sont à peu prés résolus...ou occultés. Rendez vous mercredi matin à la première benne. La monté en téléphérique est l'occasion de croiser Mister TV Mountain qui aujourd'hui va faire du ski de rando avec les deux plus ravissantes rideuses de la vallée, fumier d'Autheman!
Premier hic, je casse la partie haute d'une de mes talonnière de crampon...le bris est mineur, ça devrait faire.
L’accès par le passage des "Oreilles de lapins" se fera à pied pour les piètres skieurs que nous sommes! En bas du rappel, je laisse échapper un gant. Soucis, c'est ma paire chaude pour la voie, il y a intérêt que je la retrouve en bas. 20 minutes plus tard, soulagement le gant glisseur s'est arrêté avant une crevasse. Un coup de peaux de phoque sous les séracs vraiment pas avenants de la Verte accélère le rythme cardiaque. 3 virollets et voici la partie finale de l' approche. L'objectif est en vue !


On retrouve notre brin fixé mais avec notre matos allégé, la remonté sur corde fixe est plutôt galère. Korra atteins le premier le relais, je finirais en grimpe.

Adidas Man attaque la fissure, par rapport au jour précédent, le leader grimpe en chaussons, c'est rude par ce froid mais carrément efficace.
 L'ascension est lancé ! Dans ce genre de terrain, pas moyen de grimper en réversible. Le leader hisse le pig et assure le second qui grimpe en grosse avec un petit sac. Pendant ce temps, le 1er repère la suite de l'itinéraire. Personnellement, je trouve que rapidement le leader "lit" parfaitement la paroi, quant au second il est bien content de se poser au relais car grimper en grosse dans des longueurs effectuées en chausson n'est jamais rando. Après deux premières longueurs extrêmement raides et soutenues, le terrain redevient plus montagne.













Début de longueur en chausson puis il faut mettre les grosses et finir en crampons. Ce sera une des difficultés de cette voie, des changements incessants de chaussures avec chaque fois le risque de laisser échapper une grosse ou un crampon. Ce qui d’ailleurs m'arrive dés R3 ou je lâche un crabe. Moulinette et évidemment, la corde est 5 mètres trop courte. Rajout de ficelous et de grandes sangles pour finalement l’attraper en bout de doigts! L'avertissement sera bien compris, il n'y aura plus de polyotage de ce type!






Aujourd'hui, nous bivouacquerons vers R9 sur une vire relativement confortable, en s'allongeant en chien de fusil on est presque bien!


Le réveil du lendemain est difficile car je sais que le démarrage ne sera pas évident, les deux possibilités entrevues la veille n'avaient rien de facile.

Soit un dièdre improtégeable pour aller chercher une fissure trop large soit une longue fissure plutôt fine. Probablement une des longueurs d'artif des ouvreurs. Je pars en chausson avec les piolets à la main. Le rocher est trop lisse pour les crampons et la fissure trop fine pour mes doigts gourds. En face Nord à 8h du mat', c'est pas le moment où tu as envie d'arquer !  Après 3 m, un double zip de piolet me renvois quelques mètres en contrebas. Au passage ma jambe s'est coincé derrière la corde, tout cela retenue par un 000. Bonne ambiance au réveil. Le moins drôle est mon Ergot qui se fait la malle au pied de la face. Sagement, il se plante à coté de la trace. Complètement réveillé, la longueur se négocie pas trop mal. Un des beaux passage de la voie.






 La suite est encore délicate. Petite traversée puis dièdre. Des vieux bouts de brins de corde à droite témoigne d'une réchappe. Stigmate de la tentative d'ouverture hivernal ?






Il faut tirer à droite pour chercher une ligne de dièdre que l'on devine. On l'atteint enfin. Une grande longueur encore soutenue.




 On arrive dans une zone moins raide. La partie centrale de la face caractérisée par une grande tâche gris clair. Ici, on est au coeur de la face.







 Une seule fissure permet de s'en échapper mais on n'en sait pas plus. En une longueur, on l'atteint enfin. On est exité à mort car cette longueur on l'a bien observé. On sait que c'est la clef pour rejoindre les vires "faciles" de la Lesueur. Finalement, la clef joue bien. Cerise sur le gâteau, le bas qui semble le moins évident se contourne par une petite rampe à droite. Le reste de la fissure est magnifique.


 40 mètres plus haut, plus besoin de chausson.



 On met les crabes pour suivre la rampe sur une centaine de mètres, deux petits coups de cul sont l'occasion de beaux passages de dry.
Nous poursuivons jusqu'à surplomber le couloir Nord. Pour nous, pas d'échappatoire par là, on poursuit dans le raide. Ça tombe bien, l'heure de la pause approche, il est bientôt 18h. On s’apprête à creuser un replat dans une arête de neige quand un coup de fil de Christophe Dumarest tombe à point. Il a parcourut la Lesueur la veille et à bivouaquer dans le même secteur. Je repars rapidement sur ses traces mais bute dans la dernière fissure. En bon fonctionnaire, j'ai mis mon cerveau sur OFF, il 18h passé! Comme un con, je m'obstine dans une technique sans issue. Korra passera en dulfer en 2 secondes et demi. Je l'avoue, je suis un peu vert. On atteint l’hôtel des Anneciens à la nuit. Les gars ont bien bossé, bivouac couché pour deux : ROYAL ! Dans ce genre de configuration, la pose du bivouac est grandement facilité. Tout est stable, on est rapidement dans les sacs de couchages pendant que le Réactor travaille à notre réhydratation.


Au petit matin, un rappel nous ramène un peu en arrière sur la Lesueur. On a repéré une zone de dièdre mais comme souvent dans cette voie, la raideur fait que l'on n'a jamais plus d'une longueur de visibilité. C'est pas trop dur mais il faut être doux sur les prises. Heureusement que le gel nous solidifie tout ça. Un piton titane relativement récent nous fais penser à un passage des Russes, il y a quelques années.



 D'un coup, je suis tendue, emprunter une voie Russe est rarement gage de bon rocher. Korra confirme mes doutes en détachant un énorme bloc. Finalement, ça me rassure : il vaut mieux un gros kairn au pied de la face qu'un petit bloc au dessus de nos têtes. Une petite fissure raide, un beau dièdre couché encore un ressaut raide, trop de tirage je m’arrête.


 La suite de l'itinéraire nous rejette à gauche sur l’arête dominant le couloir Nord



Nous atteindrons la brèche en la suivant. 50 heures après avoir passé la rimaye, nous atteignons notre but.



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