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Face Est du Tacul, "Macho direct"

Combien de fois peut-on passer au pied de cette face dans une carrière d'alpiniste ? Je doute que beaucoup  puisse y répondre. Combien de fois y ais-je grimpé ? Le magnifique Super Couloir, la sympathique "None Stop", les classiques "Gabarrou-Albinoni" et "Modica-Noury", les techniques "Vol de nuit", Pinocchio", "Scotch". Mais une chose est sûre, je n'ai jamais atteint le sommet en hiver ! L'accès à ski en fait une destination rapide. On arrive au pied avec le soleil, sans transpirer, l'ambiance est relax. Cédant à la facilité, je suis toujours redescendu "à la fin des difficultés" comme on coutume de dire les alpinistes. Mais le terme "fin des difficulté" a-t-il un sens dans notre pratique ? Comme si atteindre un 4000 était une chose aisée, comme si faire la trace en altitude dans une pente à 30° était évident, comme si trouver l'itinéraire le plus sûre était facile dans du 3+. Qui a le plus l’instinct alpiniste, celui qui  atteint le Peigne par la voie normale en 2 heures ou celui qui monte au sommet du Grand Capucin... Faire quelques longueurs techniques aboutissant systématiquement à un relais équipé puis redescendre par le même chemin est-il formateur ?
 A mon sens, la difficulté en alpinisme est rarement physique. Je la place plus dans de la gestion de  fatigue sur le long terme, à l'aptitude à rester vigilant, à ne pas céder à la facilité d'un itinéraire trop direct ou à la flemme de rajouter un point supplémentaire dans une longueur en se disant que "ça" va aller. Comme le disait un "vieux" guide  : "Dés que je quitte le parking, tous mes sens sont en éveils, si à un instant je ne me pose plus de question sur les risques qui me guette, un voyant rouge s'allume". J'adhère complètement à cette vision des choses.

Contrairement à une majorité de face du massif, le versant Est du Tacul n'est pas uniforme. Avec son enlacement de flèches de granit et de couloirs sinueux, les voies qui la parcoure zig zag au mieux.



 Pour ne pas s'y perdre, il vaut mieux avoir une photo de l'ensemble qu'un littéral trop détaillé!









 Les 800 mètres de cette voie sont peu homogènes et si l'ensemble n'est pas trop raide, le ressaut de 60m situé au 2/3 est bien exigeant. Nous avons choisi de le scinder en 2, la 1ére moitié attaque en goulotte fine avec un court réta raide et délicat.



 La deuxième partie était magnifiquement gavée de neige sans consistance engendrant quelques moovs de dry tout en finesse. Les 200 mètres menant à l’arête terminal, tout en glace, ont été un régal pour les mollets.


Soleil et chaleur nous attendent au sommet, le bonheur.
Reste à redescendre, rapidement on se rend compte que de magnifiques plaques de glaces bleu lissées par le vent ne devraient pas nous faciliter la vie. En naviguant au mieux, on réussit à les éviter. Une plus coquine que les autres se cache sous une fine couche de neige. Forcément je zippe et pendant que je glisse mon piolet à la bonne idée de se planter tout seul, arrêt brutal sur ma leash ! N'ayant pas d'autres options, je fait un petit abalakoff avec ma broche de 14cm. Solution acceptable dans cette glace compact mais à éviter en cascade. Quand nous atteignons le sommet du triangle du Tacul, 2 possibilités s'offre à nous : couper sur la gauche pour rejoindre la voie normale, temps estimé 30 minutes, ou rappeller dans la ligne de la Chéré, temps estimé : un peu plus. Pas forcément inquiet des risques d'avalanche de plaques, je crains les possibilités de glissement de la neige fraîche sur la glace bleue toute lisse. Avec un seul brin de 60, le crochet Julio sera une fois de plus le joker de la journée. En faisant preuve d'un peu de patience et moyennant 3 remontés pour le décrocher, la descente se passe bien. Reste alors à retourner récupérer les skis au pied de la voie et enquilller une VB nocturne de plus.
Finalement, le nom de la voie, "Macho" s'applique bien à ma situation du moment. Je n'ai pas vu ma femme depuis plus de 3 semaines et le jour où elle rentre, j'arrive avec 2 heures de retard en puant la transpiration.

Vidéo à venir sur TVmountain, enfin dés que David A y pensera.

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