Il y a 2 mois, je terminais tranquillement ma saison de glace Norvège. Avec toute l'équipe, nous suivions d'un regard lointain les statistiques de types qui tombaient malades les uns après les autres après avoir mangé un Pangolin qui avait mangé une chauve-souris dans un rassemblement évangéliques. Le cuisinier, de nationalité inconnu, devait vraiment être dans l'embarras .....
La veille du départ, alors que nous allions magnifiquement réussir un midi/minuit dans un pub de Narvik, une partie de l'assemblé quittait précipitamment la salle, c'était des marins Français qui avaient tous reçu le même SMS : "retour immédiat vers la France". Heureusement, les bières nous ont aidé à temporiser. Quelques part, on avait un peu devancé tout le monde sur la découverte d'un protocole qui allait passer en boucle sur tous les médias : le traitement du mal par une solution (hydro)alcoolique .
Cet état de confinement, personne ne l’avait vécu. Comme face à chaque situation nouvelle, il faut se créer des repères, faire un parallèle avec un état connu que l’on a déjà vécu. C’est rassurant, ça permet de mettre en place des routines connues et adaptées.
Ce temps du confinement, je l’ai assimilé au temps de récupération après une blessure physique.
La blessure, c’est une situation temporaire. Néanmoins son temps de récupération est incertain. Impossible de faire un calendrier fixe, c’est le verre à moitié vide. Pour garder bon moral, et voir la partie pleine du verre, l’important est de se dire que chaque jour nous rapproche de notre liberté !
La blessure limite le mouvement, la liberté d’action est restreinte.
Pester, rager ne changera rien. Il faut s’adapter.
Les règles dérogatoires (l’heure de liberté, le périmètre autorisé) seraient l’équivalent des séances de kiné. La possibilité de garder les réflexes qui permettront de repartir mieux.
Je ne crois pas qu’on en sort plus fort physiquement.
Je me fixe comme objectif de ne pas en sortir amoindri.
En tant que sportif et quelque soit le moment de l’année, je fonctionne toujours de la même façon :
1°- Optimiser le « maintenant » en fixant des objectifs réalisables à court terme, moins de 1 mois.
2° - Finaliser le « bientôt », les plans sur le moyen terme, 6 mois.
3°- Préparer le « plus tard » avec des projets à longue échéance, 1 année.
Mon « Maintenant » a consisté a réhabilité un petit pan d’escalade. J’ai toujours été nul en force, quelques prises vissées dans un dévers permettront de réduire le fossé.
Pareil, le cardio c’est pas mon truc. Une boucle zig-zaguante tracée pour l’occasion dans le périmètre restreint permet d’optimiser l’heure légale. Répété 4 fois par semaine, l’amélioration est sensible.
J’optimise au mieux la situation sans la subir.
Je suis bien conscient que cette préparation ne va pas me mener à Tokyo mais l’installation de ces routines me donne des objectifs visibles (réussite des circuits blocs) et quantifiables (amélioration du chrono).
Le « Bientôt » souffre le plus de la pandémie. Sans calendrier, il demande flexibilité et adaptation. Néanmoins, les projets sont organisés, finalisés, et hiérarchisés. Les rêves qu’ils m’évoquent seront le carburant nécessaire à l’entrainement le plus rébarbatif !
"A l’opposé de l’hiver où j’adore les itinéraires extrêmement techniques qui induisent des progressions lentes, l’été j’aime parcourir de longues distances. Je suis toujours à la recherche de ces lignes de crêtes qui relient des faces. Mélanger le technique de la grimpe à l’efficacité dans les déplacements. Progresser de façon fluide en s’adaptant au profil rencontré. J’aime évoluer dans ces terrains où le sens de l’itinéraire, les manip’ de corde et l’escalade doivent être intuitives."
Quelque soit la saison, mon énergie provient de mon imagination : Inventer des parcours où je devrais me donner à 100%. Pas de sueur, pas d’intérêt !
J’aime me mettre en difficulté, ça maintient vivant de réfléchir. Trouver sa propre solution, créer son propre parcours. Où que j‘aille, je cherche MA ligne, pas pour laisser une trace à la postérité, juste pour vivre une aventure unique qui n’ai décrite dans aucun livre, sur aucun site web.
Avec le nouveau terrain de jeu que je découvre en Corse, ma motivation est au top !
Comme souvent, je pars des basiques en marchant sur les traces des anciens.
L’an dernier, on a repris le parcours enchaînant les « 7 Tours de Bavella ». C’est une ligne esthétique et logique, parcourue il y a 42 ans ! On a juste cherché des voies d’ascensions un peu plus difficiles !
Pour ce mois de Juin, je me suis fixé 2 « highlight » :
L'enchaînement des 3 voies tracées par la cordée Torrés-Garnier ( Le Denis Garnier du Cimaï !). Sur le papier, on est pile à 24 heures de marche/grimpe !
J’aimerais aussi pouvoir concrétiser une jonction entre les 2 sommets emblématiques de l’Ile, ça donnerait un super parcours ! Le Cinto et la Paglia Orba reliées par la fameuse « Grande barrière ». On l’a prévu autour du 21 Juin, c’est pas par hasard !!!
L’été pour moi, c’est beaucoup de secours et un peu d’escalade. Je l'ai déjà répété maintes fois mais j'en suis convaincu, cette pratique d'un alpinisme exigeant, c'est ma meilleure assurance-vie. Quand le temps se dégrade et que les hélicos ne volent pas, c'est l'expérience des galères en montagne qui te sauve !
Le « Plus tard », il est symbolisé par le tableau blanc dans de mon bureau. J’y note les endroits où j’aimerais aller, les contacts possibles, la bonne période pour y être. Quand j’arrive dans le temps du « bientôt » je les organise plus sérieusement.
Là aussi, il y a eu pas mal de chamboulement.
En fil rouge, j’ai un projet étalé sur 4 ans, aller grimper sur des endroits où la glace est en voie de disparition. Montrer l’évolution des sites sur les 40 dernières années et parler des 40 prochaines. Un truc concret à l’échelle d’une vie ! En tant que glaciairiste, je suis marqué par l’image du Glacier des Bossons transformé en pré vert. C’est une vision de cauchemar, j’y ai fait mes début en crampons en 1983, maintenant tu fais du bloc en chaussons !
Il y a aussi les dates festivals à coordonner. Je vais présenter «Iluliaq », le film d’Aurélien Poitrimoult qui retrace l’aventure des icebergs au Groenland. « Dogs on the Rock » qui relate l’expé en traineaux à chiens et cascade de glace en Laponie marche encore très bien, j’espère arriver à le faire sous-titrer en anglais. Ces 2 films, je les aime particulièrement car ils ne sont pas dans le moov « on a eu peur, on a failli mourir, c’était difficile, on a réussi, on est fort non ? ». Pour moi, ces festivals c’est avant tout l’occasion de rencontrer des passionnés. Je me ménage toujours quelques jours sur place pour grimper avec les locaux, c’est génial .